La figure intérieure multiple

« Mes œuvres questionnent notre identité contemporaine, traversée de tensions entre diverses polarités : création de soi et identité sociale, besoin d’appartenance et désir d’émancipation, aspiration à la permanence et désir de changer. L’identité aujourd’hui est multiple, discontinue, fragmentée, glissante. Mon processus créatif reflète ce métissage fluctuant. (…) Mon geste créatif appelle l’intériorité identitaire, cela me ramène vers l’organisation psychique première, la construction infantile, et par conséquent vers les relations aux origines. J’exprime ainsi la genèse de mon humanité et en ce sens je matérialise un miroir magique pour tout humain en quête de lui-même.

Pour chaque œuvre, créer est une mise au monde. La mission fondamentale de l’artiste est la création de nouveaux mondes… Je questionne sans cesse notre identité contemporaine hybride, métissée, nomade. Cela passe par cette obsession du portrait sous diverses formes : peinture ou gravure, dessin ou sculpture…. support et surfaces confrontées ou interreliées : le textile, le plâtre, le bois, le papier ou les pixels. Mais ce n’est pas le portrait figuratif qui m’intéresse mais bien le portrait reconfiguré : la figure intérieure multiple.

Avez-vous déjà fait cet exercice de vous regarder intensément, fixement et assez longtemps dans un miroir ? Au bout d’un moment apparaissent devant vos yeux votre figure mouvante, flottante, changeante… comme si soudain de nombreux visages de vous-même passaient en diaporama cinétique. Les shamanes disent que ce sont nos vies qui se déroulent, nos animaux de pouvoir qui prennent forme, notre âme qui se dévoile.

Ces mondes imaginaires appellent au dévoilement pour rendre de l’humanité au monde contemporain déshumanisé. Transformer le réel en fait, c’est dénoncer l’illusion de nos perceptions et la fragilité de nos croyances. C’est illustrer combien multiples sont nos fantasmagories qui nous semblent si réelles qu’on perpétue des guerres pour cela.

Rassembler cette vision du monde que nous partageons : le réel n’est pas ce qui paraît mais bien ce qui EST, l’essence supplante l’apparence, l’art reconfigure…Transformer le réel ensemble, c’est mettre nos mondes imaginaires à portée d’œuvre.

La pratique relationnelle, l’art social et la médiation culturelle sont mes chevaux de bataille pour réenchanter nos milieux de vie et tisser des liens avec d’autres artistes et d’autres milieux. Lorsque nous créons ensemble, au-delà des langues, au-delà des différences, au-delà des défis de notre monde contemporain… l’art nous apaise, nous réconcilie et nous rassemble. Lorsque nous nous réunissons, notre voix porte plus loin et plus haut. »